D’une crise à l’autre: les nouvelles interdépendances entre l’État et la finance globale: Entretien croisé avec Daniela Gabor, Frédéric Lebaron et Wolfgang Streeck

Réalisé, traduit et annoté par Rafaël Cos, Sarah Kolopp, Ulrike Lepont, Caroline Vincensini, Critique internationale, 2022/1 (N° 94), 171-193.

La pandémie de Covid-19 a surpris par la violence de ses effets sur les systèmes politiques et économiques mondiaux, et ce alors même qu’elle semble aussi s’inscrire dans une sorte de crisologie ordinaire. C’est tout le paradoxe que, depuis 2008, un ensemble quasi continu de chocs économiques et financiers routinise, tout en les déplaçant, les diagnostics alarmistes : après la « crise des subprimes», suivie de la « crise de la dette », les conséquences de la « crise écologique » sur le capitalisme mondial se télescopent aujourd’hui avec la « crise sanitaire » et le placement sous perfusion des économies nationales. (…)

L’Europe, cet empire dont l’Allemagne n’est pas sûre de vouloir

Le Monde Diplomatique, Février 2022, 6-7.

À la tête d’une coalition sans identité politique, le nouveau chancelier allemand Olaf Scholz devra résoudre une série de contradictions que sa prédécesseure avait habilement contournées : les vues divergentes de Paris et de Berlin sur l’Europe et sur la sécurité ; le rapport avec la Chine et la Russie, clients et fournisseurs indispensables mais adversaires sur le plan des valeurs…

Après seize années à la tête du pays, la chancelière allemande Angela Merkel a quitté ses fonctions, le 8 décembre 2021. Peut-être se souviendra-t-on rétrospectivement de ses quatre mandats successifs comme d’un âge d’or pendant lequel les décisions qui fâchent pouvaient encore être remises à plus tard, les dilemmes dissimulés derrière des démentis optimistes, et les conflits étouffés en distribuant de l’argent réel ou imaginaire, emprunté ou imprimé.

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English version:
New German coalition’s competing visions

Le Monde Diplomatique, February 2022.

Germany faces big decisions about its place in the world. Angela Merkel’s successor, Olaf Scholz, needs to reconcile differing foreign policy priorities within his own government.

In a few years Angela Merkel’s time may be remembered as a golden era when potentially divisive decisions could be postponed, dilemmas hidden by cheerful denial, and conflicts papered over with money, real or imagined, borrowed or printed. Germany, prosperous and powerful, became a model for other EU member states, partly because their political class believed the German way could and should be theirs as well. (…)

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Deutsche Version:
Die EU nach Merkel

Le Monde Diplomatique, Februar 2022, S. 4-5.

Die Meisterin des Aufschiebens hat die zentralen Fragen zur Zukunft Europas unbeantwortet gelassen.

ls Angela Merkel nach 16 Jahren im Amt abtrat, hinterließ sie eine bemerkenswert lange Liste offener Fragen, ungelöster Konflikte und latenter Krisen, die fast alle einen gemeinsamen Ursprung hatten: die komplexe Verschränkung von Problemen und Strategien der deutschen Innenpolitik mit denen der internationalen Politik auf europäischer Ebene. (…)

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Un empire européen en voie d’éclatement

Le Monde Diplomatique, Mai 2019, 1, 20-21.

Qu’est-ce que l’Union européenne ? Le concept le plus proche qui vient à l’esprit est celui d’empire libéral ou, mieux, néolibéral : un bloc hiérarchiquement structuré et composé d’États nominalement souverains dont la stabilité se maintient grâce à une distribution du pouvoir d’un centre vers une périphérie.

Au centre se trouve une Allemagne qui essaie avec plus ou moins de succès de se dissimuler à l’intérieur du noyau dur de l’Europe (Kerneuropa) qu’elle forme avec la France. Elle ne veut pas être considérée comme ce que les Britanniques appelaient une « unificatrice du continent », même si, en réalité, c’est bien le cas. Le fait qu’elle se cache derrière la France constitue pour cette dernière une source de pouvoir. (…)

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English version:

The EU is a doomed empire

Published in Le Monde Diplomatique – English Edition, May 01, 2019.

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Le projet européen s’est enfermé dans une position intenable

Interview in L’Intérêt Général – La Revue du Parti de Gauche, No. 4, 04 Avril, 2019, pp. 108-111.

Dans votre essai ‚Du temps acheté‘, vous vous opposez à la légende dorée de la construction européenne. Pour vous, le projet européen comportait, dès le début, une dimension antidémocratique?

Ce projet a différentes racines. Le « projet européen » – attention, chacun donne à cette formule un sens différent ! – devait institutionnaliser, en Europe, cet État capitaliste social-démocrate, régulé par l’État, que les États-Unis avaient développé dans le cadre du New Deal. Il devait en même temps aider à endiguer le communisme. Vers la fin des années 1950 il est devenu de plus en plus favorable à l’économie de marché ; les ordoli¬béraux allemands, qui avaient perdu (dans un premier temps) leur combat contre Konrad Adenauer et le corpora¬tisme catholique, ont vu la Communauté économique européenne comme un levier permettant d’imposer, en Allemagne aussi, un ordre économique libéral. Dans les années 1980, la chose a été tranchée : terminée, la vieille sociale-démocratie ; place à une économie concurrentielle néolibérale et « mondialisée » ! Elle devait être immunisée contre les résistances populaires : cela explique les institutions si particulières de l’Union européenne (UE) et de l’Union économique. (…)

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Europe under Merkel IV: Balance of impotence

Appeared in American Affairs Journal Volume II, Number 2 (Summer 2018): 162–92.

Europe, as organized—or disorganized—in the European Union (EU), is a strange political beast. It consists, first, of the domestic politics of its member states that have, over time, become deeply intertwined. Second, member states, which are still sovereign nation-states, pursue nationally defined interests through national foreign policies within intra-European international relations. Here, third, they have a choice between relying on a variety of supranational institutions or on intergovernmental agreements among selective coalitions of the willing. Fourth, since the start of the European Monetary Union (EMU), which includes only nineteen of the EU’s twenty-eight member states, another arena of European international relations has emerged, consisting mainly of informal, intergovernmental institutions looked at with suspicion by the supranational EU. Fifth, all these are embedded in the geopolitical conditions and geostrategic interests of each nation, which are related in particular to the United States on the one hand and to Russia, Eastern Europe, the Balkans, the Eastern Mediterranean, and the Middle East on the other. And sixth, there is at the bottom of the European state system an ongoing battle for hegemony between its two largest member countries, France and Germany—a battle that both deny exists. Each of the two, in its own way, considers its claim to European supremacy to be only just and indeed self-evident, Germany so much so that it doesn’t even recognize its ambitions as such.1 Moreover, both would-be hegemons are aware that they can realize their national projects only by incorporating the other within them, and for this reason they present their national aspirations as “European integration” projects based on a special relationship between Germany and France. (…)

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French translation:

L’Europe sous Merkel IV. Un équilibre de l’impuissance

Published in Le débat No. 202, novembre – décembre 2018: 60-80.

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Italian translation:

L’Europa sotto il Merkel IV: un bilancio di impotenza

Pubblicato su Appello al popolo, rivista del Fronte Sovranista Italiano, 28 novembre, 2018.
Tradotto dall’inglese da Massimiliano Sist.

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Macron risque d’être le troisième Président consécutif à ne faire qu’un mandat

Interview by Jorge Gomes-Ferreira, L’arène nue, April 24, 2018.

Vous observez beaucoup l’Europe. Après la longue crise politique qui a eu lieu dans votre pays et a amené à la reconduction de la « Grande coalition », après les élections italiennes de mars dernier, où en sommes nous selon vous ?

Nous nous trouvons devant une impasse, devant un équilibre, non pas des forces, mais des faiblesses. Suite aux élections, l’Allemagne n’est plus en mesure de répondre aux attentes de ses partenaires en termes de « réformes », c’est-à-dire en termes de concessions matérielles : l’AfD et le FDP feront tout au Bundestag pour dénoncer ouvertement et avec fracas toute initiative qui irait au-delà du traité de Maastricht ou de ce que permet la Constitution allemande. En Italie, depuis la fin de Renzi, il n’est plus envisageable que le pays poursuive les réformes néo-libérales exigées d’elle jusqu’à maintenant. Cela impliquerait que l’Italie puisse attendre de l’Allemagne un soutien économique en retour, qui ne soit pas que symbolique. (Continuez sur http://l-arene-nue.blogspot.de/)

La dette souveraine

New publication in La dette souveraine: Économie politique et État
Buying time. Preface to the second edition.

Nouvelle publication dans La dette souveraine: Économie politique et État
Du temps acheté. Préface à la séconde edition.

Wolfgang Streeck: Il y a plus de quatre ans que j’ai terminé le manuscrit de Du temps acheté. Bien que la crise dont il traite soit aujord’hui moins explosive qu’elle ne l’était à l’été 2012, je n’y retrouve pourtant rien qui mériterait d’être retranché ou réécrit. Certes, davantage d’explications, de contextualisations et d’éclaircissements sont toujours bienvenus, et ce également à titre de remerciements pour les nombreuses recensions dont le livre a bénéficié en Allemagne, et ailleurs, en si peu de temps – à la surprise de son auteur, dont les précédentes publications avaient été principalement réservées à des parutions scientifiques spécialisées. […]

Pour continuer: Julia Christ en Gildas Salmon (2018), La dette souveraine: Économie politique et État, Paris: Éditions de l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Autres contributions de: Colin Crouch, Jürgen Habermas, Robert Boyer, Bruno Karsenti, Benjamin Lemoine, Marie Cuillerai, Jean-Michel Rey, Yves Duroux, Julia Christ et Gildas Salmon.

 

« Marx n’avait pas prévu Keynes »

Interview publié dans le magazine Books, Janvier/Février 2017, pp. 28-30

Que pouvons-nous encore ­apprendre de Karl Marx ?

D’abord que notre société est une société historique, qui s’inscrit dans un flux d’événements. Et ­ensuite que ce flux d’événements ­s’ordonne de façon structurelle, que l’évolution de la société obéit donc à une logique qu’il nous faut comprendre pour pouvoir inter­préter ce qui se passe. Cette logique est difficile à reconstruire, mais elle dyna­mise de façon extra­ordinaire la théorie et l’expérience historique. (…)

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English translation

„Nuit debout peut être porteur d’une transformation sociale de grande ampleur“

Le Monde, 3 mai 2016. English translation published on Verso Books Blog.

Par Collectif: Tariq Ali, écrivain ; Ludivine Bantigny, historienne; Patrick Chamoiseau, écrivain ; François Cusset, écrivain et historien ; Christine Delphy, sociologue ; Cédric Durand, économiste ; Elsa Dorlin, philosophe ; Annie Ernaux, écrivain ; Eric Fassin, sociologue ; Bernard Friot, sociologue ; David Graeber, anthropologue ; Nacira Guénif, anthropologue ; Razmig Keucheyan, sociologue ; Stathis Kouvelakis, philosophe ; Frédéric Lordon, philosophe ; Gérard Mordillat, écrivain ; Toni Negri, philosophe ; Leo Panitch, sociologue ; Paul B. Preciado, philosophe ; Wolfgang Streeck, sociologue ; Enzo Traverso, historien.

Les crises ouvrent le champ des possibles, et celle qui a commencé en 2007 avec l’effondrement du marché des subprimes ne déroge pas à la règle. Les forces politiques qui soutenaient l’ancien monde sont en voie de décomposition, à commencer par la social-démocratie, qui a franchi depuis 2012 une étape supplémentaire dans son long processus d’accommodement avec l’ordre existant. En face d’elles, le Front national détourne à son profit une partie de la colère sociale en jouant d’une posture prétendument antisystème, alors même qu’il n’en remet rien en cause, et surtout pas la loi du marché. (…)