Interview in L’Intérêt Général – La Revue du Parti de Gauche, No. 4, 04 Avril, 2019, pp. 108-111.
Dans votre essai ‚Du temps acheté‘, vous vous opposez à la légende dorée de la construction européenne. Pour vous, le projet européen comportait, dès le début, une dimension antidémocratique?
Ce projet a différentes racines. Le « projet européen » – attention, chacun donne à cette formule un sens différent ! – devait institutionnaliser, en Europe, cet État capitaliste social-démocrate, régulé par l’État, que les États-Unis avaient développé dans le cadre du New Deal. Il devait en même temps aider à endiguer le communisme. Vers la fin des années 1950 il est devenu de plus en plus favorable à l’économie de marché ; les ordoli¬béraux allemands, qui avaient perdu (dans un premier temps) leur combat contre Konrad Adenauer et le corpora¬tisme catholique, ont vu la Communauté économique européenne comme un levier permettant d’imposer, en Allemagne aussi, un ordre économique libéral. Dans les années 1980, la chose a été tranchée : terminée, la vieille sociale-démocratie ; place à une économie concurrentielle néolibérale et « mondialisée » ! Elle devait être immunisée contre les résistances populaires : cela explique les institutions si particulières de l’Union européenne (UE) et de l’Union économique. (…)